Après avoir laissé le public sur une note tendue et lumineuse avec Dominik Moll en 2022, le réalisateur franco-allemand revient avec un projet qui fait déjà murmurer les amateurs de cinéma d’auteur : 'Dossier 137'. Prévu pour 2025, ce nouveau long-métrage s’annonce comme la suite logique — et peut-être la plus sombre — de sa trilogie tacite sur les fissures du quotidien. Pas de bande-annonce, pas de casting confirmé, pas même un synopsis officiel. Pourtant, le simple fait que Moll y travaille suffit à faire battre plus vite le cœur des cinéphiles. Pourquoi ? Parce que chaque film de ce réalisateur est une enquête. Pas seulement dans l’intrigue, mais dans l’âme humaine.

Un parcours marqué par l’obsession du réel déformé

Né le 7 mai 1962 à Bühl, en Allemagne, de père allemand et de mère française, Dominik Moll a toujours oscillé entre deux mondes. Il étudie le cinéma à la City College of New York, où il tourne son premier court-métrage, une adaptation du récit de Charles Bukowski ‘The Blanket’. Puis, il rejoint l’IDHEC, l’école nationale du cinéma français, là où il rencontre Gilles Marchand, son complice d’écriture depuis plus de trente ans. Leur première collaboration, ‘Le Gynécologue et sa secrétaire’ (1987), est un bijou d’humour noir. Mais c’est avec ‘Harry, il est là pour vous aider’ (2000), qui remporte un César, que Moll impose sa signature : des personnages ordinaires, des situations banales — et puis, un mal qui s’installe, silencieux, inexorable.

Depuis, chaque film est une plongée dans l’irrationnel qui s’infiltre dans le quotidien. ‘Le Moine’ (2011), adaptation du roman gothique, n’était pas un simple thriller religieux : c’était une métaphore de la culpabilité collective. ‘Tunnel’ (2013), sa série télévisée, n’était pas une enquête policière classique : c’était une étude sur le temps qui s’effrite. Et ‘La Nuit du 12’ (2022), son dernier film, a été salué aux César comme une œuvre majeure — non pas pour sa résolution, mais pour son absence de résolution. Un policier, une affaire non élucidée, et un silence qui pèse plus lourd que n’importe quel meurtre.

Le mystère de 'Dossier 137'

Le titre lui-même, Dossier 137, est un clin d’œil à la bureaucratie du crime. Pourquoi 137 ? Parce que c’est un numéro de fichier. Un dossier oublié. Un cas classé, mais pas résolu. Et c’est exactement ce que Moll aime : les histoires que la justice n’a pas su raconter. Selon LaCinetek, son style se définit par cette phrase : « les dysfonctionnements d’une vie ordinaire face à l’intrusion de l’irrationnel ». On peut imaginer que Dossier 137 prendra pour cadre un service de police, une archive perdue, ou peut-être un témoin qui ne parle plus. Ce n’est pas un thriller d’action — c’est un thriller d’attente. Un suspense où l’angoisse grandit dans les silences.

Le réalisateur a déjà révélé dans une interview de 2019 à Filmtalk.org : « Le plaisir du cinéma, c’est d’utiliser tous les moyens que le film offre ». Il aime la lumière, le montage, le choix des acteurs. Il ne filme pas les événements — il filme les ombres qu’ils laissent. On peut donc s’attendre à une direction artistique rigoureuse : des plans serrés sur des mains qui tremblent, des couloirs de commissariat mal éclairés, des visages qui ne disent rien mais qui en disent trop.

Un retour après un silence mérité

Un retour après un silence mérité

Entre La Nuit du 12 et Dossier 137, Moll a passé deux ans à ne rien faire — ou presque. Il a peut-être écrit, réécrit, réfléchi. Il n’a pas fait de série, contrairement à ses habitudes. Ce n’est pas un hiatus. C’est un creux. Un moment où il laisse la matière se déposer. Ce silence est aussi une marque de respect pour le public. Il ne veut pas nous donner un film juste pour être là. Il veut nous offrir un film qui nous hante.

Les producteurs ? On ne le sait pas encore. Ses précédents films ont été portés par Pyramide Productions, Haut et Court, ou Les Films du Worso. Aucun nom n’est officiellement lié à Dossier 137. Mais on peut parier que ce sera un projet de taille modeste, sans blockbuster, avec un budget serré — comme il les aime. Le cinéma de Moll ne se mesure pas au chiffre d’affaires, mais à la profondeur des silences qu’il laisse après les génériques.

Le poids d’un titre, la force d’un réalisateur

Le poids d’un titre, la force d’un réalisateur

On attend souvent un film avec impatience. Ici, on l’attend avec une certaine peur. Parce qu’on sait que Moll ne nous offrira pas un divertissement. Il nous offrira une question. Et peut-être, une culpabilité. Dans ‘Harry’, c’était la complicité avec un monstre. Dans ‘La Nuit du 12’, c’était l’impuissance de la loi. Dans Dossier 137, ce sera peut-être la façon dont on oublie les victimes. Ou comment les archives mentent plus que les témoins.

Le film ne sortira pas avant 2025. C’est long. Mais pour un cinéaste comme Moll, la patience est une forme de respect. Et nous, spectateurs, avons appris à attendre. Parce que quand il dévoile un nouveau film, on sait qu’on ne sortira pas indemne.

Foire aux questions

Pourquoi 'Dossier 137' suscite-t-il autant d'intérêt malgré l'absence d'informations ?

Parce que Dominik Moll est un réalisateur qui ne fait pas de films pour le spectacle, mais pour la résonance. Chaque projet qu’il lance est une promesse de profondeur. Même sans casting ni synopsis, les cinéphiles savent qu’il abordera des thèmes comme la mémoire, la culpabilité ou l’échec des institutions. Son précédent film, 'La Nuit du 12', a été salué pour sa retenue — et 'Dossier 137' s’annonce comme un écho encore plus sombre de cette esthétique.

Quel lien existe-t-il entre 'Dossier 137' et 'La Nuit du 12' ?

Les deux films explorent des enquêtes policières sans résolution claire. Mais tandis que 'La Nuit du 12' se concentre sur un meurtre non élucidé dans un village, 'Dossier 137' semble s’orienter vers une affaire archivée, peut-être oubliée par les forces de l’ordre. Le lien est thématique : l’impuissance face à l’irrationnel, la bureaucratie qui étouffe la vérité. Moll ne cherche pas à résoudre, mais à montrer pourquoi certaines vérités ne peuvent pas être résolues.

Dominik Moll a-t-il déjà travaillé sur des dossiers policiers dans le passé ?

Oui. Outre 'La Nuit du 12', il a réalisé la série 'Tunnel' (2013), qui mêle une enquête transfrontalière à des flashbacks psychologiques. Il a aussi signé 'Black Heaven' (2010), un thriller où un jeune homme disparaît dans un réseau de webcams. Dans tous ces projets, la police est présente, mais souvent inefficace. Ce n’est pas le héros — c’est un personnage à la fois nécessaire et impuissant. 'Dossier 137' s’inscrit dans cette lignée.

Pourquoi Gilles Marchand est-il si important dans le cinéma de Moll ?

Marchand est le co-scénariste de la majorité des films de Moll, de 'Harry, il est là pour vous aider' à 'Dans la forêt' (2016). Leur collaboration est l’un des plus longs partenariats d’écriture du cinéma français. Marchand apporte une rigueur narrative, une attention aux détails psychologiques, et une capacité à construire des personnages qui semblent réels — même quand ils agissent de façon irrationnelle. Sans lui, les films de Moll perdraient leur densité.

Quelle est la signification du chiffre 137 dans le titre ?

Aucune explication officielle n’a été donnée, mais en France, les dossiers de police portent souvent des numéros séquentiels. 137 pourrait être un dossier ancien, réouvert par erreur. Ou alors, c’est un code : 1+3+7=11, un nombre symbolique dans les enquêtes criminelles. Ou encore, c’est simplement un numéro qui n’a pas de sens — ce qui serait typique de Moll : il aime les mystères sans clés. Le chiffre n’est pas important. Ce qui l’est, c’est ce qu’il cache.

Le film sera-t-il en français ou en allemand ?

Moll, qui parle couramment les deux langues, a toujours privilégié le français dans ses longs-métrages. Même ses films tournés en Allemagne, comme 'Le Moine', sont en français. Il est peu probable que 'Dossier 137' soit en allemand, sauf si l’intrigue le demande. Le contexte, probablement français, et la présence de ses collaborateurs habituels (acteurs, techniciens) suggèrent une production entièrement francophone.