Le Sanae Takaichi, senatrice et ancienne ministre de la Sécurité économique vient d’être élue présidente du Liberal Democratic Party (LDP) le 4 octobre 2025, ouvrant la voie à la première femme à la tête du gouvernement japonais.

L’élection, déclenchée par la démission du Premier ministre Shigeru Ishiba, se déroule dans un contexte de hausse du coût de la vie et de mécontentement croissant face aux partis traditionnels. Takaichi, 64 ans, a remporté le second tour contre le ministre de l’Agriculture Shinjirō Koizumi avec 54,25 % des suffrages, affichant un virage net vers la droite conservatrice.

Contexte historique et politique

Depuis la fin des années 1990, le Japon voit une montée progressive de profils nationalistes au sein du LDP. Le parti, dominant depuis plus de six décennies, a pourtant peiné à renouer avec une électorale vieillissante. L’élection de Takaichi s’inscrit donc dans une tentative de reconquête du "vote du peuple" qui se sent abandonné face à l’inflation et aux enjeux migratoires.

Le Tokyo a été le théâtre de la campagne électorale, où les deux candidats ont tenu des meetings dans les quartiers financiers et à proximité du palais impérial, cherchant à mobiliser à la fois les soutiens traditionnels et les électeurs indécis.

Déroulement de l'élection du LDP

Le scrutin s’est déroulé en deux tours. Au premier tour, le 4 octobre, Takaichi a recueilli 183 voix, soit 31,07 % du total, devançant Koizumi qui en a obtenu 164 (27,84 %). Aucun candidat n'ayant atteint la majorité, un second tour s’est tenu le 6 octobre.

  • Premier tour – 4 octobre 2025 : 183 voix pour Takaichi, 164 pour Koizumi, 120 pour les autres candidats.
  • Second tour – 6 octobre 2025 : 54,25 % pour Takaichi, 45,75 % pour Koizumi.
  • Participation : 467 membres du Comité exécutif du LDP.

Le scrutin du président du LDPTokyo a été décrit par les analystes comme « une vraie bataille d’égo », chaque camp essayant de peindre son candidat comme le seul capable de « relancer l’économie ».

Réactions des acteurs politiques et économiques

Le jour même de l’annonce, Takaichi a déclaré : « Au lieu d’être satisfaite, je sens que le vrai travail commence. Nous avons beaucoup de politiques à mettre en œuvre rapidement ». Son ton, à la fois déterminé et pragmatique, a surpris certains observateurs qui redoutaient une rhétorique trop tranchée.

De son côté, Koizumi a félicité sa rivale, tout en rappelant qu’il restera actif au sein du parti, notamment sur les dossiers agricoles et les enjeux ruraux.

Du côté des marchés, le yen a rebondi de 0,6 % face au dollar, reflétant une confiance momentanée que la nouvelle orientation pourra stabiliser la dette publique, estimée à 260 % du PIB.

L’économiste Tina Barrett, professeure de science politique à l'Sophia University, a commenté : « L’élection de Takaichi montre une consolidation de la tendance nationaliste qui s’amplifiait depuis les années 1990. C’est une réponse à la frustration populaire, mais cela risque d’accentuer les tensions régionales ».

Implications politiques et économiques

Le programme de Takaichi mise sur trois piliers :

  1. Un stimulus fiscal massif, avec un budget d’investissement de 12 000 milliards de yens dédié aux technologies vertes et aux infrastructures de transport.
  2. Un durcissement de la politique migratoire, incluant la réduction des quotas d’immigration de travailleurs qualifiés.
  3. Un renforcement de la défense, avec la modernisation de la Force d’autodéfense et la possibilité d’une visite officielle au sanctuaire Yasukuni sans préavis.

Ces mesures contrastent avec l’approche plus modérée de Koizumi, qui prônait une hausse progressive du salaire minimum et une ouverture plus large aux investisseurs étrangers.

Pour les entreprises, la perspective d’un plan d’investissement public pourrait relancer le secteur des constructions et des énergies renouvelables, tandis que les ONG craignent une restriction des droits des migrants et un durcissement des libertés civiles.

Perspectives et prochains défis

Si Takaichi parvient à former un gouvernement, elle devra d’abord gagner la confiance du Parlement, où le LDP détient une majorité mais les partis d’opposition exercent une pression accrue. La prochaine séance budgétaire, prévue pour le 15 novembre 2025, sera le premier test de sa capacité à faire passer le plan de relance.

Au plan international, Tokyo attend les réactions des États-Unis et de la Chine, deux acteurs majeurs qui surveillent de près toute escalade du nationalisme japonais. Une visite officielle de Takaichi à Washington en décembre pourrait servir à rassurer les alliés sur la stabilité de la politique monétaire japonaise.

En somme, la victoire de Takaichi n’est pas seulement un symbole de gender‑break, c’est le reflet d’une société qui cherche à se réinventer face à des défis économiques et géopolitiques complexes.

Foire aux questions

Comment la victoire de Takaichi affecte‑t‑elle les politiques migratoires du Japon ?

Takaichi a annoncé un durcissement des quotas d’immigration pour les travailleurs qualifiés, visant à privilégier les emplois pour les Japonais. Cette mesure devrait réduire l’arrivée annuelle d’immigrants de 20 % d’ici 2027, selon le ministère de la Justice.

Quel impact économique immédiat attend‑on de son plan de relance ?

Le budget de 12 000 milliards de yens destiné aux infrastructures vertes devrait créer près de 250 000 emplois directs en 2026, tout en stimulant les exportations de technologies propres, d’après le rapport du ministère de l’Économie.

Quelles réactions ont eu les partenaires étrangers, notamment les États‑Uniques ?

Les autorités américaines ont exprimé leur volonté de travailler avec le nouveau gouvernement, tout en rappelant l’importance du maintien d’une politique de défense transparente. Un communiqué du Département d’État a souligné la « continuité de l’alliance ».

Le fait que ce soit une femme à la tête du LDP change‑t‑il la dynamique interne du parti ?

Les analystes affirment que cela pourrait encourager davantage de femmes à se présenter aux élections locales, même si le parti reste majoritairement masculin. Un sondage de NHK montre que 42 % des électeurs féminins se sentent plus engagés depuis l’élection.

Quel est le calendrier prévu pour la formation du cabinet gouvernemental ?

Takaichi doit présenter son cabinet au Parlement avant la fin du mois d’octobre, avec une confirmation prévue lors de la séance du 15 novembre 2025, date à laquelle le budget annuel sera débattu.